DIAGANA Ousmane Moussa


Mauritanie Origine de la bourse : Centre national du Livre

Bourse du Centre national du Livre - 1991
Né en 1951 à Kaédi, décédé le 9 août 2001 à Nouakchott.

Ousmane Moussa Diagana a suivi des études de Lettres au Maroc puis à Paris où il a obtenu un Doctorat ès Lettres.

Poète et linguiste distingué, Ousmane Diagana était professeur à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines (départements des Lettres et Littérature françaises, de Linguistique et des Langues nationales) de Nouakchott où il travaillait sur la langue et la littérature orale soninkés (Mauritanie, Mali).
Au sein de cette institution, l’homme se distinguait surtout par la modestie et la sagesse. Il avait énormément travaillé sur la culture soninké pour laquelle il était devenu une référence nationale, voire internationale. Il était l’un des rares défenseurs de la promotion, à un haut niveau, des langues nationales.

Douze ans après sa mort, en 2013, le Professeur Ousmane Moussa Diagana continue de marquer par son empreinte les recherches mauritaniennes. Le Dictionnaire Soninké-français auquel il consacra ses dix dernières années a pu paraître à titre posthume en 2011 chez Karthala.
En plus de la légitimité scientifique, il continue de jouir d’une consécration littéraire qui lui est reconnue par l’institution universitaire. En effet rien que sur ces trois dernières années, son œuvre poétique a fait l’objet de plusieurs études entre autres un mémoire de licence soutenu en 2011 à l’Université de Nouakchott par Souvi Ould Hamoud intitulé : Amour et engagement dans Cherguiya de Ousmane Moussa Diagana, et une thèse de doctorat de Hassane Kebé de l’Université de Paris 12 dont le titre est Interculturalité et intertextualité dans l’œuvre littéraire d’Ousmane Diagana.
Enfin M’bouh Seta Diagana, Professeur spécialiste de littérature mauritanienne à l’Université de Nouakchott lui consacre dans le dernier numéro des Annales de la Faculté des Lettres un article intitulé : Madagascar dans Notules de rêves pour une symphonie amoureuse d’Ousmane Moussa Diagana ou Jacques Rabemananjara lu par un poète mauritanien.

mise à jour mars 2014
photo Yves Lapeyre, Limoges, 1991

Créations de l'auteur

Textes

Contes et légendes soninké, ouvrage en collaboration, Edicef, 1978.

Notules de rêves pour une symphonie amoureuse, poèmes précédés de Liminaire d’écriture de Pius Ngandu Nkashama, Nouvelles du Sud, 1994.
Le texte de Diagana se présente sous la forme de fragments. Il faut entendre par là que les poèmes se suivent et s’agglomèrentles uns aux autres, dans une séquence bousculée, comme si les versets ne possédaient pas une logique cohérente dans et à l’intérieur même des apparences du discours poétique. Cependant, les fragments signifient surtout l’espace dans lequel tout se morcelle, se disloque, se décompose, partes extra partes comme disent les philosophes cartésiens.

Cherguiya (Odes lyriques à une femme du Sahel) , Le Bruit des Autres, 2001.
Le poème se situe au cœur du Sahel et renvoie à une tradition islamique, voire antéislamique. En témoignent ces clins d’œil intertextuels : " je songe au poète Sid’Abdallah, à ses amours nomades, à sa passion ambiguë pour Debbou la Leukweriya, la jeune femme noire, la jeune femme Peule. " (p 51) Si dans l’ensemble le recueil célèbre le corps d’une femme sahélienne, Cherguiya, certains vers invitent à méditer. Poète soninké de culture musulmane, vivant dans un pays où le statut du Nègre est plus que problématique, Ousmane Moussa Diagana chante aussi la tolérance. Sa poésie amoureuse est certes sensuelle, mais elle célèbre parallèlement l’amour intransitif selon l’heureuse formule de Rilke. (Boniface Mongo-Mboussa, Lyriques amoureuses, Africultures)

Chants traditionnels du pays soninké, L’Harmattan, 1990. Préface de Claude Hagege, Prix Robert Delavignette de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer.

La langue comme tamis du réel, Diagonales n° 26, 1993.

La Langue soninké (morphosyntaxe et sens), L’Harmattan, 1995.

Islam et expressions littéraires en milieu soninké et pulaar, Notre Librairie, n° 120-121, 1995.

Deux poèmes traduits du soninké parus dans Poésie d’Afrique au Sud du Sahara (1945- 1995). Anthologie composée et présentée par Bernard Magnier, Actes Sud/Unesco.

Dictionnaire soninké/français, Editions Karthala 2011.

Autres informations

À propos de Cherguya
par Olivia Marsaud, article publié dans www.afrik.com, samedi 20 janvier 2001,

On entre dans le recueil de poèmes du Mauritanien Ousmane Moussa Diagana, Cherguiya, comme dans un boudoir mystérieux et exotique, dont la maîtresse des lieux serait à la fois amante parfaite et mante religieuse redoutable. L’écriture sensuelle de l’auteur égrène désirs sexuels et pensées confuses pour cette femme mystérieuse et inaccessible : Cherguiya, femme-mémoire, femme-cruelle.

Cherguiya, qui veut dire " femme de l’Est " en arabe, est un titre évocateur. En effet, l’Est de la Mauritanie est le lieu de la première rencontre entre les mondes négro-africain et arabo-berbère. C’est le lieu du brassage des races et des genres. C’est aussi un lieu de mémoire, là où ont prospéré les grands royaumes, les grandes cités. L’Est c’est aussi la direction de la prière. Quant à la " femme de l’Est ", elle a une place particulière dans l’imaginaire mauritanien : elle a, à l’époque du moyen-âge, développé une forme de polyandrie. Elle pouvait avoir plusieurs amants. Elle était libre, sans voile.

Beauté troublante

"Je considère ce livre comme un long poème entrecoupé de souffles ", explique l’auteur. Ousmane Moussa Diagana, linguiste de formation, travaille sur le mot et les sonorités. " J’ai été influencé par la poésie mauritanienne orale traditionnelle, les chants de mariage que j’ai recueillis, les devinettes amoureuses solinké ou peules ", poursuit il. Le poème est pluriel dans la forme, au même titre que Cherguiya, " symphonie majeure " :

Nattes piquetées de perles
Et de blancs osselets
Seins pleins
Terre de chair brune
Aux épis indolents
Drapé désinvolte
D’un pagne-cola
Sur le nœud coulant
D’un regard blême
Tempête d’hivernage.

La dernière ode, d’une beauté troublante, évoque " la femme inaccessible, que je cherche et que je n’ai pas rencontrée. Une femme fouettée par la pluie et le vent. Une femme vers laquelle je tends ", explique l’auteur. Muse imaginaire, idéale et exaltée, Cherguiya emmène le lecteur au cœur d’un désert mauritanien tourmenté et sensuel.

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Liens

Le Bruit des Autres

Soninkara (hommage par Cheikhna Mouhamed Wagué)

Cridem - hommage à Ousmane Moussa Diagana (2013)