Texte Olivier Kemeid, d’après Shakespeare, mise en scène Frédéric Dubois
« Mais pour avoir ne serait-ce qu’une parcelle de cette paix en ce bas monde
Il nous faut commettre les actions les plus basses
Les sacrifices les trahisons
Élever les cousins contre les cousins
Les frères contre les frères
Les fils contre leurs pères »
Reprenons ! Lorsque Henri V meurt, son fils Henri VI hérite du trône alors qu’il n’a encore que neuf mois. Richard, duc d’York entend profiter de la faiblesse et de la folie de ce roi pour lui ravir la couronne d’Angleterre. Mais c’est sans compter sur Marguerite d’Anjou, sa femme puissante et ambitieuse. C’est donc le début de la guerre des Deux-Roses ? La rose rouge contre la blanche donc la maison Lancastre contre la maison d’York ? Ou l’inverse ?
Puis vient Edouard IV. Comment a-t-il obtenu le trône ? Et qui lui succède ? Son fils ainé, Edouard V sous la tutelle de son oncle, Richard. Mais cette situation ne dure pas puisque Edouard IV avait épousé la mère d’Edouard V, Elisabeth Woodville, alors qu’il était encore marié avec Eléonore Talbot. Le mariage est invalidé, Edouard V est déclaré illégitime, emprisonné et probablement tué. Richard monte sur le trône sous le nom de Richard III. Richard III, celui qui disputait la couronne à Henri VI ? Non, son fils, le frère d’Edouard IV.
C’est peut-être encore un peu flou mais Five Kings reprend tout depuis le début et transporte les rois moyenâgeux shakespeariens au cœur de notre histoire politique et sociale récente. Ils sont cinq, ils se succèdent, se détestent, s’aiment, se trahissent et sont du même sang. Ils proviennent du fond des âges et, pourtant, ils sont d’aujourd’hui. Ils passent leur vie à attendre d’être au sommet et, sitôt la montagne gravie, leur chute s’amorce. Autour d’eux, leurs alliés et leurs conspirateurs. Au-dessus d’eux, les femmes, à la fois souveraines et victimes, broyées par les mâchoires de l’Histoire en marche. La force dramaturgique d’Olivier Kemeid réside dans sa manière de faire côtoyer le drôle et le tragique, le lyrisme et le réalisme, le passé et le présent. De 1960 à 2015, les cinq dernières décennies forment le plateau de cinq règnes où se dressent la beauté des utopies et le terrifiant des ambitieux.
Olivier Kemeid
Né en 1975 à Montréal, Olivier Kemeid est auteur, metteur en scène, directeur artistique de la compagnie Trois Tristes Tigres et ancien directeur artistique du théâtre Espace Libre (2006-2010). À peine avait-il terminé sa formation à l’Ecole nationale de théâtre, en mai 2002, que Marie-Thérèse Fortin lui offrait un contrat d’un an à titre d’adjoint artistique au Théâtre du Trident de Québec.
Ses pièces, dont Moi, dans les ruines rouges du siècle, qui a remporté le Prix de l’Association québécoise des critiques de théâtre (AQCT) dans la catégorie Production – Montréal, ont été jouées dans de nombreux théâtres à Montréal. En 2007, sa pièce L’Énéide, d’après Virgile, traduite en anglais, en allemand et en hongrois, a été lue ou jouée au festival Les Francophonies, d’Avignon mais aussi en Allemagne, en Hongrie, en Belgique et aux Etats-Unis dans le Off-Broadway. Une nouvelle traduction en anglais va être créée au Festival de Stratford (Canada) à l’été 2016.
En 2008, il est accueilli à Limoges pour Les Auteurs vivants ne sont pas tous morts, une série de lectures et mises en espace. La saison 2012-2013 est particulièrement fructueuse pour l’auteur, car cinq de ses pièces ont été présentées : Furieux et désespérés au Théâtre d’Aujourd’hui, dans une mise en scène de l’auteur ; Survivre, au Théâtre de Quat’Sous, dans une mise en scène d’Eric Jean ; The Aeneid à New York dans le Off-Broadway mise en scène par Kay Matchullat ; Œdipe, une version toute personnelle de Œdipe roi de Sophocle, au Théâtre royal du Parc à Bruxelles et enfin Celles d’en haut, au Théâtre du Rêve à Atlanta.
Olivier Kemeid tisse des liens entre le passé et le présent (et même l’avenir), que ce soit un passé mythologique, social ou individuel. Il entrera en fonction au poste de directeur artistique et codirecteur général du Quat’Sous (Montréal) à la fin du mois de septembre 2016.
Frédéric Dubois
Acteur de formation, mais metteur en scène de métier, Frédéric œuvre dans le milieu théâtral québécois depuis vingt ans avec des mises en scène audacieuses, marquées à la fois par la rigueur et le ludisme.
Lauréat de plusieurs prix prestigieux (John-Hirsh 2008, remis par le Conseil des arts du Canada et Révélation de l’année 2001) il se démarque sur toutes les scènes francophones du Québec en touchant autant le répertoire que la création d’œuvres originales. Citons quelques auteurs : Ionesco, Mrozek, Shakespeare, Miller, Pommerat, Tchekhov.
Il a dirigé le Théâtre Périscope, à Québec de 2011 à 2016. Ce lieu propose au public des expériences théâtrales hors-norme et novatrices. Il a travaillé sur toutes les scènes du Québec ou presque : TNM (Le roi se meurt), Duceppe (Ils étaient tous mes fils), Trident (Ha ha.. ! , Les bons débarras), et signé toutes les mises en scène pour le TFT (Zazie dans le métro, Vie et mort du roi boiteux, Tout ce qui tombe), compagnie qu’il dirige depuis 1997. Il a aussi travaillé à trois reprises au Japon pour la compagnie Basta où il a repris la version japonaise de La libraire.
De 2009 à 2016, il a assuré la coordination artistique du parcours déambulatoire Où tu vas quand tu dors en marchant ? spectacle extérieur grandiose produit par le Carrefour international de théâtre de Québec. Présenté trois soirs pendant les cinq premières années, l’évènement a pris une telle ampleur et s’est si bien enraciné dans la capitale que depuis deux ans, il est présenté 9 soirs sur trois fins de semaine à un public de plus en plus nombreux (plus de 100 000 spectateurs).
Il prendra les commandes de la direction artistique de la section française de l’École Nationale de théâtre du Canada dès septembre 2016.